« L’antiquité Tunisienne » en titre et avec en sous-titre « De la fondation d’Utique à la prise de Carthage, – 1 101 / 698 », c’est l’intitulé du splendide ouvrage de Samir Aounallah, Editions Nirvana qui vient de sortir. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai prononcé, tout seul, au moment de la lecture, le mot « fabuleux ! ». Le genre de livre dont la lecture vous rend plus intelligent. La méticulosité de la démarche, le soin rédactionnel, l’illustration magistrale en images d’une beauté et d’une significativité inégalables, le sens de la pédagogie qui ne cède en rien à l’érudition, ont pour résultat de transporter le lecteur dans un magnifique voyage à travers toutes les contrées de ce pays ô combien civilisé, par une Histoire d’une richesse exceptionnelle. Le livre a une sorte de message consistant à nous amener à faire attention aux schématismes et aux réductions. L’Histoire ne peut pas seulement se lire en termes de bons et de méchants, de colonisateurs et de colonisés, d’autochtones et d’arrivants d’au-delà des mers, bien qu’il y ait bien eu de tout cela, mais parfois dans des combinaisons complexes, dont seulement à tire d’exemple, le fait que Massinissa et les Numides, en voulant s’affirmer en tant que nation et faire admettre leur droit sur les terres de leurs ancêtres, ont du passer par toutes les alliances et mésalliances possibles, pour et contre Rome, pour et contre Carthage.
La magie du livre opère au point de vous laisser imaginer Haïdra dans son rôle de clé presqu’incontournable par où passaient toutes les routes pour rejoindre Carthage au Nord, Sousse au Centre et Gabes au Sud, Le Kef comme étant la deuxième ville avec Carthage sur laquelle devait compter le pouvoir romain à un certain moment de sa la longue présence en Africa, Dougga avec Mactar comme étant des sites rares en matière d’accumulation de « couches géologiques d’Histoire » tellement les civilisations y ont laissé chacune des traces indélébiles.
Il y a même quelques précieuses leçons d’Histoire ayant valeur jusqu’à aujourd’hui, comme celle du coût exorbitant des ruptures. Il en a été ainsi au moment du passage du Punique au Romain, de la République à l’Empire au sein du même système Romain, du Romain au Vandale, du Vandale au Byzantin et du Byzantin à l’Arabo-islamique. Des problématiques tout ce qu’il y a de plus actuel figurent dans un livre a priori dédié à l’Histoire, tel que le fait de faire passer le Centre-ouest et le Sud du pastoralisme à l’agriculture sédentaire et le développement des villes, dont la conséquence est la transformation de l’actuel territoire du gouvernorat de Kasserine en l’une des plus grandes zones de production d’huile d’olive.
Vu que les puniques aient été pour une divinité principale, Baal Hammon, transformée en Saturne avec les Romains, cela avait favorisé l’adhésion au monothéisme chrétien latinisé, dans lequel la Tunisie a joué un rôle historiquement majeur, dans sa conception, son développement et sa diffusion, ce qui n’a pas été sans déchirements de grande ampleur tel que le donatisme. Mais cela ne pouvait pas ne pas rappeler pour les historiens une certaine prédisposition à la schismatique, comme cela été le cas en termes de Kharijisme et le Chiisme au temps de l’Islam premier en Tunisie. Et on ne peut pas dire que l’on est au bout de ce type de tendance !
Avec ce genre de contribution, et d’autres de la même veine, on se rend compte que c’est par la culture que viendra notre salut, si nous nous en donnions les moyens, alors que cela reste tout à fait à notre portée.
Boujemaa Remili
Le 2/4/2021